2012/06/01

Je suis une gentille

Je peux l'affirmer sans rougir, parce que j'en suis assez fière, et aussi parce que je crois que je ne saurais pas faire autrement. Je sais que plein de monde se moque des gens comme moi, aujourd'hui, ne pas marcher sur les pieds des autres, c'est une preuve de faiblesse. Faut s'affirmer qu'il parait. Et on ne peut pas s'affirmer sans marcher sur quelqu'un d'autre qu'il parait.



Je ne sais pas si ça me vient de mon éducation (très probablement)(j'ai rarement entendu mes parents crier sur qui que ce soit, et les rares fois où mon père s'est énervé (après nous ou pas) on n'en menait vraiment pas large mes frangins et moi). Des faux calmes il parait. En fait, on engrange jusqu'à exploser. C'est pas forcément une bonne façon de faire, mais c'est comme ça qu'on fonctionne.

Enfin c'est une chose de ne pas s'énerver, c'en est une autre de se montrer courtois et serviable. Or je suis plutôt serviable et courtoise, justement. Parfois plus que je ne le souhaiterais, mais je ne suis pas non plus une oui-oui pathologique.

Bref, ce matin, en emmenant Junior à l'école, j'ai vécu trois scènes qui m'ont rendue franchement triste :

Scène 1 : le bouchon de feutre

Rien de bien méchant, on est tout un amas de parents et d'enfants devant la porte de la classe et ça se bouscule un peu pour entrer, se déshabiller et faire des bisous en même temps. Une petite me pousse assez durement pour attraper un feutre et entourer son nom sur la liste des gamins qui mangent à la cantine. Elle a deux ans, c'est pas très très grave. Sa mère est juste devant, la voit faire et ne lui dit rien. Bon là déjà ça me dérange un peu plus. Le bouchon du feutre tombe par terre, à mes pieds. Je le ramasse et le tend à la petite. Elle ne sait pas quoi faire et se tourne vers sa mère, qui semble tout aussi démunie (bah quoi ? fallait que je shoote dedans en riant ?). Elle me le prend des mains, même pas merci, avec un regard de mi-dédain, mi-méfiance, comme si j'allais enlever sa fille parce que je lui ramasse son bouchon de feutre. Bon la gamine a fini et le suivant à entourer son nom, c'est mon Junior. Il est là devant la feuille, à attendre sagement son tour, regardant cette maman et attendant visiblement qu'elle lui donne le feutre.

Eh bah non. Elle a appelé son autre gamine, qui était de l'autre côté du préau et avait autre chose à faire, faisant poireauter tout le monde en attendant que son altesse daigne venir faire un rond elle-même autour de son prénom. Et plutôt que de tendre le feutre une fois fini, elle le rebouche et le repose sur la tablette. Chacun sa merde hein.

Scène 2 : la porte

Quelques secondes après cette scène, après avoir donné une instruction à la maîtresse pour la cantine (Junior n'aime pas le fromage, et comme la cantine c'est un peu chez mémé (ils doivent être 20 et ont des moyens assez limités) j'ai fourni un yaourt à boire que Junior ne pensera jamais à sortir de son cartable), je me dirige vers la porte d'entrée de l'école. Une bande de maman arrive, je leur tiens la porte. Elle entrent, discutent, appellent les autres mamans, et moi je tiens toujours la porte. Je ne peux pas la lâcher, sinon elles vont se la prendre dans le dos, et je ne suis pas une violente. Bon sauf que je n'ai pas non plus l'intention de faire portier toute ma vie, et que l'autre maman m'a déjà gonflée, donc ça serait gentil que quelqu'un prenne le relai.

Eh bah non. Il a semblé établi que j'étais là, avec mon gros bedon (enceinte de presque 7 mois, ça se voit un peu quand même) à tenir la porte pour tout le monde. Et vas-y que je discute, et vas-y que je prend mon temps, pas un bonjour, pas un sourire, pas un merci.

J'ai fini par lâcher la porte, chuis pas non plus une sainte, même si j'ai eu un pincement à me dire que c'était pas très gentil d'envoyer la porte dans le dos des gens. Incorrigible.

Scène 3 : la voiture

Je retourne à ma voiture, sur le parking. Une grosse camionnette de carreleur arrive à ce moment-là, mais il n'y a plus de place sur le parking. Je monte en voiture, je me doute qu'il va vouloir prendre ma place et fais en sorte de lui laisser sans tarder.

Il faut croire que je n'allais encore pas assez vite pour lui, et il gare son fourgon juste derrière ma voiture, laissant à peine la place pour que je manoeuvre. Il est visiblement pressé, parce qu'à peine arrêté, il sors et s'en va. Non mais franchement, il m'a vue monter, et s'il n'avait pas le temps d'attendre que je parte, il pouvait au moins se garer deux mètres plus loin pour me laisser bouger non ?

Eh bah non. J'ai du faire 4 manoeuvres en grommelant pour sortir de là, en me disant que je ferais mieux d'aller vivre en ermite et d'arrêter de croiser des gens aussi cons de bon matin.

Je sais bien que ce ne sont pas des choses graves, mais ces petites incivilités au quotidien m'usent à vitesse grand V. Il n'est pas question que je m'endurcisse, et mon éducation fait que je ne leur dirais jamais rien à moins d'un cas vraiment grave (ou d'une trop grande accumulation, vous savez, l'histoire d'engranger puis d'exploser) et je souffrirais bien trop de prendre leur exemple. Alors qu'est-ce que je fait ?

E.

10 commentaires:

  1. Je suis comme toi. l'autre jours, journée d'adaptation à l'école. Il y a une petite cuisine dans la classe et le lavabo est en fait une bassine en plastique. Un gamin passe et crache dedans. La mère "ah non hein, tu fais pas ça" et repose la bassine. Le prochain qui va jouer avec n'aura donc olus qu'à se laver les mains à la bave de Baptiste.

    Puis l'autre jours je parle avec mon prof de yoga qui nous explique que selon les croyance indiennes, chacun a un rôle à tenir dans la vie: certains sont fait pour tuer, d'autre pour aider, d'auter pour aimer...

    Je lui dit que je suis éduc, que j'aide tous les jours, que j'aide des mamans un peu en difficulués etc... mais que des fois j'en ai marre de me faire bouffé la gueule par des nanas qui n'en n'ont rien à foutre une fois qu'elles ont eu ce qu'elle voulait. Resultat? "Oui mais ça c'est parce que toi tu es faite pour l'amour, il faut juste que tu change ta manière de faire"...

    Bah tu peux pas t'imaginer ce que ça m'a fait du bien d'entendre ça...

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  2. Mmmmh ça donne à réfléchir tout ça... Et concrètement, comment tu penses changer ta manière de faire alors ?

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    1. En fait, je ne compte pas changer. Mais je crois qu'il faut que je m'attache à me dire que ce que je fais, ce que je donne, je n'ai pas à le regretter. Le monde est un tout, comme la société. On en fait partie, on a une action sur elle mais comme tout le reste. Mais on ne peut pas décider pour les autres. Donc Je doit continuer à agir comme je le fais. Deux solutions; à force d'agir comme ça, je convaincrais d'autres qu'il faut faire comme ça et on sera plus nombreux à changer le monde. Soit je ne convainc personne mais le peu que je fais est fait. Peu importe ce que font les autres. Toi tu changs la vie de certains par de toutes petites choses. Lis "les 5 personnes que j'ai rencontré la haut" et dis toi que peut être vu ton âge et ta condition, toi, tu peux changer la vie de plus de 5 personnes sans même t'en rendre compte. C'est pas ça l'important?

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    2. C'est vrai que c'est une façon de voir les choses qui me plait bien, ton article le décrit bien. L'autre jour un homme est venu me saluer, me disant que j'avais été très gentille avec lui. Il était juste venu tailler la haie il y a bien 3-4 ans de ça et je lui avais proposé des oignons de mes iris qu'il aimait bien (à vrai dire, je ne me souvenais que très vaguement de lui). De là à dire que je lui ai changé la vie, faut pas pousser, mais disons que visiblement je l'ai plus marqué que lui ne m'a marqué, et je suppose que c'est le cas pour beaucoup de gens. Ceux qui m'ont apporté le plus dans ma vie ne s'en doutent très certainement pas !!

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    3. Peut être pas changer la vie mais peut être qu'à ce moment là tu as révéler quelque chose dont il avait besoin... Et ça l'a marqué...

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  3. Ah meeeerdeee, je me disais bien que j'avais ce problème-là aussi :s
    Et plus ça va, plus je deviens misanthrope. Découvrir les petites guerres de pouvoir et de paraître jusque dans la cour de la maternelle, ça m'a achevée...
    Je me réserve donc pour ceux qui me sont chers, sans pour autant devenir mauvaise avec les autres.

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    1. J'aimerais arriver à en faire autant, ça m'épargnerais bien des souffrances... mais non contente d'être gentille avec (presque) tout le monde, je fonce parfois dans des situations où je sais qu'on va me faire du mal, mais j'y vais quand même... non mais vraiment chuis à se taper la tête contre les murs des fois !

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  4. Pour ma part, j'essaie de ne rien attendre en échange, pas même le minimum. Pour éviter la déception et l'usure, mais rester fidèle au rêve un peu fou que si tout le monde faisait preuve de civisme, de politesse, et même pourquoi pas de gentillesse, la vie serait plus douce...

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    1. Ben oui c'est la bonne solution, et j'aimerais être capable de ça aussi, mais je trouve tellement facile de prendre prendre et prendre sans jamais rien donner en retour... ça m'énerve à chaque fois. oui peut-être que e prend les choses trop à coeur, je ne me protège sans doute pas assez, mais ça me parait tellement la moindre des choses que de rendre la politesse !

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    2. Je suis bien d'accord, et si tout le monde le faisait, qu'est-ce que ça serait agréable de sortir ! Ne serait-ce que les transports aux heures de pointe avec un peu plus de civisme... Alors bon je continue, mais j'essaie de ne penser à rien, et de ne pas m'attendre à ce que la personne devant moi me tienne la porte. Quand j'y arrive et qu'elle le fait quand même, c'est encore plus agréable :D

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