2012/01/10

Hospital beds

La théorie se vérifie : chaque fois qu'on se plaint de son sort, il change (rarement en mieux, j'ai remarqué). La dernière fois, je disais que j'étais mieux lotie que ces filles obligées de se faire hospitaliser.

Tu le vois venir le gag ?


Oui, ok, c'est moi qui a supplié chéri d'Amour de m'emmener à l’hôpital, étant persuadée d'être dans mes dernières heures de vie et espérant secrètement me la couler douce quelques jours avec un bon bouquin, des mots croisés, et un tuyau pour manger à ma place. 

Bon.

Chéri d'Amour n'étant pas du genre à me contredire sur mon lit de mort (je note, je note), il nous emmène donc aux urgences de la maternité, moi qui tient à peine sur mes jambes et Junior qui saute partout (j'ai remarqué que dans les hôpitaux, il s'éclate comme un petit fou. Un futur docteur ? hmm ?). On arrive, on se trompe d'étage (en même temps faut pas écouter une femme enceinte à moitié dans les vapes quand elle dit d'aller au quatrième alors qu'il faut aller au premier), et on me dépose dans la salle d'attente (!) le temps que chéri aille faire mon dossier (sacro-saint dossier qui fait que tant qu'on ne saura pas précisément ton numéro de sécu et si t'as une mutuelle en règle, et surtout tant qu'on n'aura pas imprimé les codes barres autocollants pour tout document se référant à toi, on ne cherchera pas ce que tu as). Bon, étant donné que j'aime bien accélérer les choses, (hein, c'est qui le patient ici ?), je tombe à moitié dans les vapes, comme ça hop, ni vu ni connu, on s'occupe de moi et on me fout dans une chambre (ah non mais alors).

Chéri revient, on met la télé à Junior, ravi de voir un documentaire animalier, lui qui croit que tout ce qui vit dans l'eau est un requin (manque de bol, c'était des otaries). Puis on m'examine rapidement, avant de décider de mon internement hospitalisation en raison de ma dénutrition, déshydratation, détoutcequ'onveution. On m'emmène donc au quatrième (ah ben tu vois, on y arrive).

On m'installe dans une chambre glaciale, où il faut payer pour avoir la télé ce coup-ci (tant pis pour Junior) et où le médecin vient m'expliquer de quoi il retourne. Je vois bien qu'elle prend des pincettes, alors ça m'inquiète un brin mais bon, je l'ai voulu, j'y suis, alors allons-y. Elle m'explique qu'on va me faire des trucs un peu barbares (euh...) à savoir que je ne vais pas manger pendant 48h, mais que j'aurais une perfusion pour manger à ma place (oui ça je le savais, je comptais un peu dessus, donc pas de problème). Là je souffle, si c'est ça le truc barbare, ça va, je survivrai.

Elle continue, et je vois bien qu'elle a pire à m'annoncer, elle tourne autour du pot, m'explique que c'est une méthode approuvée par les meilleurs collèges de gynécologues, recommandé dans ces cas-là... Je crois que ce que je n'ai pas beaucoup aimé, c'est qu'elle me l'explique DEUX FOIS. Vas-y accouche, dis-moi ce qu'on va me faire bon sang ! et là elle m'explique qu'on va m'isoler, me plonger dans le noir, sans visite, sans distraction, mais-je-vous-assure-que-c'est-une-méthode-qui-a-fait-ses-preuves. Là, de surprise, mon sourcil gauche est allé faire un tour au milieu de mon front, histoire de prendre un peu de recul par rapport à cette nouvelle un brin déroutante. Euh... ai-je bredouillé. 
-Vous avez des questions ? 
-... 
-Bon ben monsieur va partir tout à l'heure et il pourra avoir de vos nouvelles en nous appelant, hein ? bon si vous avez des questions vous n'hésitez pas surtout hein, et hop, elle file comme si elle avait plus urgent à faire que d'attendre que je trouve des questions à lui poser.

Évidement, c'est un peu loin des deux-trois jours peinards que je m'étais imaginé. Ou plutôt ça va être bougrement plus peinard que prévu. Atrocement peinard même. 

Bon ben voilà, je fais ma liste de choses à m’amener pour mon petit confort personnel (oreiller n'amoi, couverture n'amoi, culottes, livres, brosses à dent etc), et mes hommes sont sur le point de partir (et de m'abandonner à mon triste sort). Junior refuse de me faire un bisou et un calin, sans doute parce qu'il refuse l'idée même d'abandonner sa pauvre mère dans de si abjectes conditions (brave petit). Oui j'ai préféré conserver cette explication pour la postérité plutôt que celle du sale mioche qu'a pas fait sa sieste et qui fait sa tête de cochon... Nous sommes nos propres biographes après tout, autant conserver l'image la moins dégradante possible.

Sitôt mes hommes partis, je fond en larmes, évidemment, à l'idée du sort qu'on me réserve, et aussi de ne pas les revoir de sitôt (mon fils aura-t-il de la barbe quand je sortirai ?)(oui j'aime bien dramatiser quand la situation est critique, ça m'aide à relativiser), puis on me donne une horrible chasuble qui s'ouvre dans le dos, on ferme les volets (gasp) on me branche sur le secteur une perf dans le bras, et hop, allez bonne journée madame. (regasp).

Heureusement, j'avais en fait plein de visites : des dames en blanc qui venaient pour prendre ma tension, d'autres pour ma température, d'autres pour changer mes perfs, une autre venue pour me demander ce que je voulais manger le lendemain (j'ai pas eu le cœur de l'envoyer paître, d'autant que je me suis représenté que ça pourrait être mon amie V. à sa place, alors j'ai gentiment accepté de prendre les endives au jambon et le rôti de porc à la purée de salsifis, ça a eu l'air de lui faire plaisir). Ensuite un médecin indien est venu me tâter le ventre et curieusement, il ne comprenait rien à ce que je disais, alors qu'il avait un accent à couper au couteau (enfin j'imagine que pour lui, c'est moi qui avais un sacré accent...), et il a fallu que je lui réexplique tout, ce qu'il a noté dans son carnet, tout comme le premier médecin que j'avais vu avait tout noté dans son carnet. Bon je ne suis pas une experte de la tenue d'un hôpital, mais peut-être que si tout le monde s'accordait pour lire ce que les autres ont marqué ça irait plus vite, non ? enfin ça faisait toujours un peu d'animation.

Le premier jour, j'ai surtout dormi, donc ça allait. On m'a amené mon sac avec mes changes, mes affaires de toilette, mes bouquins, et je n'y ai pas touché (sauf pour l'oreiller et la petite couverture, d'autant que j'ai découvert tard le soir que le chauffage était coupé)(ce qui explique que j'étais littéralement gelée sous mes draps)(mais je pensais que ça faisait partie du protocole : pas de lumière, pas de visites, pas de chauffage, pas de nourriture...)(sérieusement, quelle espèce de tordu a mis au point un protocole pareil ? il s'est aperçu que les femmes prises en otage et enfermées dans des caves avaient moins de nausées que les autres ? ou c'est une étude comparative femmes vampires/femmes normales ?)

le deuxième jour, comme finalement on m'a remis le chauffage, ben j'ai aussi dormi. La nuit suivante aussi, ce qui fait qu'au matin du troisième jour, j'étais dans une forme olympique. J'ai donc pris un bouquin pour le lire tâcher de déchiffrer les mots à la lumière qui filtrait à travers les ouvertures du rideau. De 10h à 16h, j'y arrivais à peu près, mais c'était quand même pas de bol qu'on soit en janvier et que ma chambre soit orientée à l'est. 

Plusieurs personnes m'ont vu avec le livre à la main puisque je le reposais quand on entrait pour les diverses raisons susmentionnées, mais personne n'a rien dit, jusqu'à ce qu'une dame en blanc (aucune idée de son poste, elles sont toutes en blanc) vienne me dire "mais euh quelqu'un vous a dit que vous pouviez lire ?"
- comment ça si je "peux" lire ? parce que normalement j'ai pas le "droit" de lire ???!
- ben non, ça fait partie du protocole, (voix mielleuse) c'est dur heiiiin ?
- mais c'est surtout que je vais mourir d'inanition si je ne peux pas lire, que voulez-vous que je fasse de mes journées, y'a même pas de carreaux au plafond à compter !!!
- oui je sais c'est dur, mais c'est comme ça...
- ...
- ...
- bon mais je peux continuer à lire quand même ou... ?
- oui ben maintenant que vous avez commencé...
- (ouf !)

Bon passé 16h de toute façon il a bien fallu que je le repose, et là a commencé une loooooooongue soirée où j'ai guetté les lumières des voitures sur le plafond (dur quand on a une chambre qui donne sur l'hôpital et pas sur la route), à chanter dans ma tête, à regarder le trait de lumière sous la porte en espérant voir quelqu'un passer, et à espérer que le protocole comporte une section "arrachage des doigts de pied" juste histoire qu'il se passe quelque chooooooose !

La nuit a été longue aussi, et j'avais d'ores et déjà décidé que le lendemain, avis médical favorable ou pas, soit je rentrais chez moi, soit je décidais que j'étais un hérisson histoire de pouvoir entamer une discussion profitable avec ma table de nuit.

Bon il se trouve que le lendemain, le médecin indien est revenu, et me dit que puisque ça va mieux je rentre le lendemain. 
- euh mais j'espérais rentrer chez moi aujourd'hui (voix de petit chien triste)(si tant est qu'un petit chien puisse parler, mais on sait bien qu'il est trop triste pour ça)
- (voix d'Apu, l'épicier des Simpsons)(non c'est pas raciste, voyez donc ici) oui mais bon...
- (yeux de petit chien battu (et triste))
- oui bon ça va vous pouvez sortir cet après-midi si vous mangez bien à midi
- (yeeeesss !!!!)
T'inquiète docteur, je vais bien manger, quitte à passer la moitié de mon assiette dans les toilettes, je fiche le camp d'ici. 

Manque de bol, on me sert un plat immonde, du poulet qui flotte dans une sauce indigne et des croquettes de patates pas cuites. J'ai pensé à mon ami G. et je me suis dit que si j'étais moins bien élevée, j'exigerais de rencontrer le cuistot pour lui demander des comptes. Mais bon, j'avais juste envie de partir, donc j'ai mangé, vaille que vaille (mais pas les croquettes, ça aurait été suspect de manger un truc pareil).

Du coup, je suis bien rentrée, très très mais alors très heureuse d'entendre mes hommes toquer à ma porte. j'ai promis de continuer le protocole chez moi, je me suis construit un petit ilot dans l'ancienne chambre de Junior (la future de Junior 2, comme ça il pourra dire qu'il y a déjà dormi), rideaux tirés, avec un matelas, ma bassine-à-vomi, des compotes, des biscuits, de l'eau sucrée, une TONNE de bouquins, des jeux de cartes, des cartes de Trivial Pursuit et mon téléphone, bref, tout pareil, mais avec un brin de stimulation cérébrale.

Eh ben ça marche tout pareil, dis donc (quelqu'un devrait aller leur dire). Et ma bassine ne s'est jamais senti aussi seule..

E.

2 commentaires:

  1. Ben toi, quand tu fais les choses, c'est pas à moitié !! Courage ma poulette, je pense à toi.

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  2. Merci de reconnaître ma vaillance à sa juste valeur (encore que j'aurais bien aimé être un hérisson, j'ai bien senti que ma table de nuit avait des choses intéressantes à dire...)

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